Castigat ridendo mores...*
* Castigat ridendo mores est une expression latine qui signifie, en gros, "corriger les moeurs par le rire".
Le bestial serviteur du pasteur Huuskonen
Arto Paasilinna
1995 (éd. originale)
Ed. Gallimard Folio, 2009
Résumé
Mon avis
Arto Paasilinna a l'écriture légère: à chaque page se glisse un portrait tour à tour attendrissant, drôle, mordant ou parfois cinglant de notre société. Par exemple: une organisatrice de banquet qui finit sur un fil électrique plus grillée que son poulet, une scientifique qui devient bigote, etc... Autant de personnages que de situations burlesques, drôle et ironiques. A chaque fois, il met en relief l'absurdité de nos comportements, de nos modes de pensées. C'est au final une lecture qui dépasse la simple fiction: elle nous interroge.
En bref: un bon moment de lecture.
Extrait du chapitre 3 (p.34-35)
[…] L’on réfléchit au cadeau à offrir au héros du jour. Il fallait quelque chose d’original et d’emblématique. C’est alors que quelqu’un suggéra de faire don au pasteur de l’ourson mâle que l’on avait recueilli à peu de frais dans le sapin du jardin de l’organisatrice de banquets Astrid Sahari. […] On avait beau avoir proposé l’orphelin non seulement au parc animalier d’Ahtari, mais aussi au zoo de Korkeasaari et jusqu’à Lulea, en Suède, personne n’en voulait. On n’avait pas pour autant le cœur de le tuer, et voilà que s’offrait l’occasion d’en faire cadeau au pasteur Oskar Huuskonen. L’idée semblait bonne, car l’homme était originaire de Laponie, et fils d’un chef de flottage, donc en un sens proche de la nature primitive et sauvage, du moins par sa naissance, et le gratifier d’un ours semblait tout à fait approprié. D’autant plus que l’on échapperait ainsi à la nécessité de lancer une collecte auprès des paroissiens pour l’achat d’un autre présent.
Personne n’ajouta tout haut qu’un ours vivant était un cadeau particulièrement bien choisi pour l’intransigeant ministre du culte : il aurait là de quoi méditer. C’était en outre une bonne occasion de rabattre son caquet à l’arrogante pastoresse imbue de sa personne et de son statut de suédophone, toujours prompte à critiquer Nummenpaa et ses habitants. Quand elle aurait à nourrir l’ourson et à nettoyer le tapis du salon de ses crottes, peut-être se rendrait-elle compte de ce que les gens pensaient d’elle. On pouvait aussi secrètement espérer que lorsque l’ours aurait grandi, il se déciderait, un jour de rogne, à se jeter sur le pasteur et la pastoresse avec assez de sauvagerie pour laver d’un coup tous les affronts accumulés.